lundi 30 juin 2014

Le Dix-septième Concerto pour piano (K 453) de Mozart

Comment choisir un Concerto parmi les vingt-sept composés par notre cher Wolfgang Amadeus ? Cet ensemble compte au moins huit purs chefs d’œuvre : les n° 9, 13, 17, 20, 22, 23, 24 et 27.
Nous avons écarté le 9ème et son mouvement lent, d’un tragique absolu, le 13ème, si bien tourné, le romantique 20ème, le savant 22ème, l’émouvant 23ème, le complexe 24ème, le  27ème et sa douleur transfigurée.
Nous préférons un concerto ni trop brillant, ni trop chargé émotionnellement. Le 17ème fait très bien l’affaire.
Et comme dans les concertos de Mozart, le mouvement lent est souvent le nerf de la guerre, la barque qui fait chavirer les cœurs, reconnaissons que l’Andante du K 453, avec ses moments suspendus, tient bien la corde face à ses concurrents. Et surtout les deux autres mouvements sont suffisamment séduisants pour capter l’attention sur la totalité du concerto.

L’œuvre est composée en 1784. Mozart écrit pas moins de six concertos pour piano cette année-là. C’est le second dédié à Barbara Ployer, une de ses élèves, qui le joue pour la  première fois en public lors d’un concert dans la maison familiale près de Vienne. Beaucoup moins virtuose que les deux concertos précédents, il s’en distingue également par le raffinement de son écriture, ses demi-teintes et un charme pénétrant dès les premières mesures.

                             Barbara Ployer, dédicataire du Dix-septième Concerto, par Mozart

Petite précision pour les non-initiés. La cadence est, dans un mouvement de concerto, un intermède solo vers la fin du morceau, où le pianiste - le violoniste dans un concerto pour violon - peut improviser, à partir de ce qu’a écrit le compositeur.  Certains interprètes créent et jouent leur propre cadence.
Les pianistes retenus ici s’en  tiennent aux cadences de Mozart.


Alfred Brendel, Scottish Chamber Orchestra, Sir Charles Mackerras (2004) êêêê ²²²
Comment rendre passionnant un concerto pour piano de Mozart sans en faire trop ? Réponse : Alfred Brendel. Un piano sculptural, l’aisance impériale, un chic incroyable, un naturel confondant. A ce niveau d’intelligence musicale, on peut parler de transcendance.  Le chef d’orchestre n’est pas en reste. On entend tout, sans effort, malgré les tempi plutôt vifs, une conduite nerveuse. Le début du mouvement lent (Andante) fait penser au Matin, le premier morceau de la Suite Peer Gynt de Grieg, avec une magnifique scénographie des bois. La savante pyrotechnie du final, l’art de caractériser et d’enchainer les épisodes fait merveille. Piano et orchestre décoiffent et caressent ensemble. Le concerto fini, on en redemande. Ecouter plages 4 à 6

Leif ove Andsnes, Norvegian Chamber Orchestra (2007) êêê ²²²
Les phrases courtes et sobres des cordes évoquent la musique baroque, avec une surprenante incursion dans la musique de chambre au début de l’Andante. Le pianiste improvise dans la cadence du premier mouvement, mais préserve la continuité de l’ensemble. La palette est moins riche que chez Brendel/Mackerras mais la facture plus fine, plus aérée, séduira celles et ceux qui recherchent un Mozart différent, moins charmeur. Après Grieg, nous sommes heureux de retrouver Andnes, son style souple, mais ferme, juste ce qu’il faut. Une version élégante et subtile. Ecouter plages 1 à 3

Geza Anda, Camerata Academica des Salzburger Mozarteums (1962)  êêê ²²²
Le pianiste hongrois nous convie à un voyage au cœur de la musique de Mozart. Fermons les yeux, laissons-nous guider. Le chant nait de la matière, puis la transfigure. Ce piano organique, bien campé devant l'orchestre, est un miracle de naturel. Nous entrons dans la cadence du  premier mouvement comme dans un rêve. Et l’orchestre ? Clair, bien articulé, bien rythmé (le final), sans saveur particulière, mise à part la froide brillance de la flute. Les cordes sont ternes. On oublie. Le piano suffit à notre bonheur. Ecouter plages 1 à 3

Andre Previn, Orchestre philharmonique de Vienne (1984)  êêê ²²²
Autant la version précédente est compacte, autant celle-ci respire, avec un bel et grand orchestre, des vents fruités, du vibrato dans les cordes. Le romantisme pointe le bout de son nez. Le pianiste balise la route pour éviter le ravin du sentimentalisme : jeu léger, presque sec par moment, plus généreux à d’autres, un rien virtuose. Enfin un interprète qui ose le tragique dans l’Andante.  Ailleurs, le chant est tenu à distance, ce qui peut sembler bien peu mozartien. Intéressant cependant. Préférer l’édition Great Pianists of the 20th Century, avec des œuvres de Poulenc, Chostakovitch, Gershwin, dans lesquelles le pianiste et chef d’orchestre américain excelle.

Maurizio Pollini, Orchestre philharmonique de Vienne (2005)    êê ²²²
Une version encore plus engagée que la précédente dans la subjectivité romantique. C’est toujours le même orchestre, mais cette fois ci, l’attelage est en roue libre. Cela pépie, chante,  s’alourdit dans les cordes. Quant à Pollini, il est là et le fait savoir. Voilà du grand piano, bien amené, superbement conduit, qui sait ce que phraser veut dire. L’Allegro initial en impose, le final est un des plus réussi de la discographie. Mais les brutalités de l’Andante précipitent notre brillante équipe dans le fossé de la vulgarité. Ecouter plages 1 à 4


La version de référence




A écouter également

Les concertos pour piano n° 20 (K 466) et 27 (K 595) par Clara Haskil et Ferenc Fricsay (1954 et 1957, mono)  êêêê ²²²

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