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Le monde de Francis Poulenc
Certaines critiques pointent des facilités comme ces mélodies aux allures de chansons de cabaret, des concertos qui pétillent comme du champagne. A l’inverse, l’opéra Les Dialogue des Carmélites, d’après l’œuvre de Georges Bernanos, est assez redoutable à assimiler, même pour les passionnés d’art lyrique.
Le Gloria, c’est autre chose. Prenons le pari : vous allez aimer, même adorer…surtout si vous ne connaissez pas Francis. Les initiés et les passionnés s’en remettent régulièrement une dose. Les second et quatrième mouvements : le Laudamus te et le Domine Fuli, sont de puissants euphorisants. Les trente dernières secondes de ce Gloria ouvrent sur l’infini…ou la nuit totale selon les versions.
Venons-en aux faits.
Le contexte : commande de la Fondation Koussevitsky, activité : mécénat pour les compositeurs.
Les dates : composé de mai à décembre 1959, créé le 20 janvier 1961 par Charles Munch à Boston; création française le 14 février de la même année par Georges Prêtre.
Le contenu : œuvre pour soprano solo, chœur mixte et orchestre, en six mouvements.
L’avis de l’artiste, à propos du Laudamus Te, qui fit jaser lors de la création française : « J’ai pensé simplement, en l’écrivant, à ces fresques de Benozzo Gozzoli où les anges tirent la langue, et aussi à ces graves bénédictins que j’ai vu un jour jouer au football ». Difficiles à dénicher, ces anges malotrus. Poulenc les as peut-être entraperçu après un repas bien arrosé.
La discographie disponible compte seize versions à ce jour, ce qui est peu, s’agissant d’une des œuvres les plus connues de son auteur. Et comme souvent avec Poulenc, les anglais et les américains sont très présents.
Brigitte Fournier, Orchestre et Chœur de la Fondation Gulbenkian, Michel Corboz
(1993) êêê ²²²²
Suivez le guide. Admirez les dimensions de l’édifice, la finesse de la décoration, l’homogénéité du style. Ici le chœur, formidable de cohésion, là le chant ferme, vibré mais pas trop, de la soprano. Et cet orchestre, ourlé dans la douce lumière d’une acoustique aussi peu résonnante que possible, excellente idée, n’est-ce pas ? C’est une interprétation intimiste, joliment défendue par un artiste qui a une très haute idée de cette musique. Le philosophe, l’architecte et l’alchimiste ne font qu’un. Mais la perfection suffit-elle au bonheur…de l’auditeur ? Ce Gloria n’est-il pas un peu trop sage ? Allons voir ailleurs pour vérifier…Ecouter disque 2 plages 17 à 22
Susan Gritton, Polyphony, Choir of Trinity College Cambridge, Britten Sinfonia, Stephen Layton
(2007) êêê ²²²
Quels fastes, quelle énergie ! Nous sommes au théâtre. Les contrastes appuyés, la dramaturgie décomplexée, frôlent parfois l’emphase. Le tutti dissonant qui clôt le premier mouvement, la marche lourde et menaçante du Domine Deus, font mouche. Le cœur se déploie avec une puissance rare. Mais c’est Susan Gritton qui surprend le plus. La soprano s’épanouit dans tous les registres et se joue des nombreuses difficultés de la partition. L’expression est éloquente et chaleureuse. L’orchestre n’est pas en reste. Le cinglant des cuivres ! Certains passages manquent de finesse. Mais l’enthousiasme des interprètes peut emporter l’adhésion. Ecouter plages 1 à 6
Catherine Dubosc, Westminster Singers, City of London Sinfonia, Richard Hickox (1990) êêê ²²
Les sections rapides manquent d’allant, comme si le chef voulait éviter tout éclat. Le chœur est capté d’un peu loin. Une douce ferveur et un grand recueillement irriguent cette interprétation. Les silences, le mystère, nous mènent aux confins d’un mysticisme ardent mêlé d’inquiétude. Le doute affleure. Catherine Dubosc, voix douce et pure mais fragile, va-t-elle flancher dans les extrêmes aigues du Qui sedes final ? La soprano tient bon. Les trente dernières secondes sont miraculeuses. Le chant s’interrompt, l’orchestre s’éteint très lentement. C’est la nuit. Ecouter plages 1 à 6
Kathleen Battle, Tanglewood Festival Chorus, Boston Symphony Orchestra, Seiji Ozawa (1987) êêê ²²²
Malgré des tempi assez vifs, Ozawa nous restitue les lignes orchestrales dans les moindres détails. Il met en avant le substrat rythmique, les traits rapides, incisifs qui révèlent la modernité de l’écriture. On aimerait autant de clarté dans le chœur, trop fourni. Kathleen Battle peine à s’imposer. Elle chante le Domine Deus comme un air d’opéra. Le Gloria s’achève en mode vibrato. C’est dommage car la soprano a une jolie voix et apporte des touches nuancées dans un dispositif très lumineux et bien peu religieux. Ecouter plages 1 à 6
Judith Blegen, Westminster Choir, New York Philharmonic, Leonard Bernstein (1976)
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Le début est trop lent, mal défini. Les choses s’arrangent par la suite. Mais pas pour tout le monde. La soprano manque de se noyer dans un Domine Deus fantomatique et saute en parachute dans le Qui sedes. L’émission tremblée des choristes dans les parties lentes fait sourire. Mais quelle ferveur ailleurs ! On se croirait chez Verdi. Cette version réserve quand même de bonnes surprises : le troublant mystère du Laudamus te seconde section, la gracieuse introduction du Domine Deus et un Domine Fili d’un enthousiasme irrésistible. Bernstein a la foi du charbonnier, ce qui sauve son équipage d’un joyeux naufrage. Pour les esprits ouverts.
A écouter également
Le surprenant , mais très beau Stabat Mater dans la version de Carolyn Samson, Estonian Philharmonic Chamber Choir, Estonian National Symphony Orchestra, Daniel Reuss (2012) êêêê ²²²
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