mardi 1 octobre 2013

Le Concerto pour violon de Barber

Au début, c’est une histoire de marchand de savon. Samuel Fels, président d’une « soap manufacturing company », veut offrir à son fils adoptif et violoniste Iso Briselli un concerto. Il s’adresse à Samuel Barber, compositeur émérite (1910-1981).
Les deux premiers mouvements, écrits au cours de l’été 1939 en Suisse, n’agréent pas le fiston. Pas assez brillants. Quant au final, terminé quelques mois plus tard, il est jugé carrément injouable. Iso refuse le concerto. Créé en février 1941 à Philadelphie, par le violoniste Albert Spalding et Eugen Ormandy au pupitre, l’œuvre devient rapidement un classique du répertoire américain.

                                                              Le violoniste Albert Spalding

« Le Barber » est une merveille, digne de figurer auprès des concertos de Mendelssohn, Bruch ou Sibelius. Et pourtant… Les plus grands violonistes du XXème siècle, américains ou européens, le snobent : Yehudi Menuhin, Jasha Heifetz, David Oistrak, Nathan Milstein,… Seuls Isaac Stern et Itzhak Perlman l’ont à leur répertoire et lui consacrent un disque chacun. En 1993, l’oeuvre revient sur le devant  de la scène avec l’enregistrement de Gil Shalam et André Previn, bientôt suivi de quelques autres. Les interprètes sont surtout de jeunes violonistes. Le Barber serait-il un concerto pour les juniors ? C’est, en tout cas, une œuvre tout public. Il séduira même celles et ceux qui ne goûtent pas le violon.  


Itzahk Perlman, Boston Symphony Orchestra, Seiji Ozawa (1994)  êêêê  ²²²
Perlman joue comme un dieu et Dieu que c’est beau ! Trop beau ? Il y a toutes les raisons d’adorer ou de détester ce lyrisme incandescent, cette chaleur expressive jusqu’à la submersion. Face à ce violon quelque peu envahissant, l’orchestre est en retrait mais se déploie dans un bel espace. Ozawa arrondit les vents, affine les cordes et s’autorise quelques déferlantes sonores, jusqu’au paroxysme (second mouvement). Mais tout se tient, ne sombre jamais dans l’emphase. Vibration rime avec distinction. Du grand Art.

Gil Shaham, London Symphony Orchestra, Andre Previn (1993)  êêê  ²²²
La beauté plastique du violon est sidérante, une vrai crème, quand ce ne sont pas des caresses. Mais le style est irréprochable. L’opulence orchestrale peut prêter à sourire. Ah ces rondeurs, ces cordes dans les grandes largeurs ! Et cette lumière ! Vous êtes bien assis dans votre fauteuil ? Reprenez un peu de chocolat, avec de la chantilly. Ou simplement laissez-vous porter par le courant. Cette version hédoniste est peut-être un tantinet surexposée, mais jamais racoleuse. C’est une très belle porte d’entrée dans la musique classique américaine. Ecouter plages 1 à 3

Kyoko Takezawa, Saint Louis Symphony Orchestra, Leonard Slatkin (1994)  êêê  ²²²²
Le jeu tout en finesse de cette violoniste japonaise restitue à merveille les nuances de la partition. La direction d’orchestre est au diapason : arachnéenne. Tout est limpide. L’équilibre violon/orchestre est idéal .La musique évolue dans une atmosphère quelque peu raréfiée, en apesanteur. Les vagues d’émotions des deux versions précédentes se sont évanouis dans une nuit sans désir et sans rêve. Cette vision, aussi peu sentimentale que possible, a ses émules. Nous la déconseillons aux néophytes. Acoustique exemplaire : respect des timbres, matité. Ecouter plages 1 à 3

Hilary Hahn, The Saint Paul Orchestra, Hugh Wolff (1999)  êêê  ²²²
Plus encore que Kyoko Takezawa, Hilary Hahn investit le Concerto de l’intérieur. Elle nous raconte une histoire, nous invite à partager des moments d’émotion, de tendresse et de passion. Cette lecture profondément sensible nous rend l’œuvre plus familière. La fragilité qui affleure et nous touche au cœur est un must par rapport aux concurrents. Parfois un peu trop grand, un peu trop lourd, l’orchestre manque de netteté, sauf dans le foisonnant dernier mouvement, où la violoniste a du mal à s’imposer. Mais la musique est toujours aussi belle. Ecouter plages 1 à 3

La version de référence :             







A écouter également
Une page très inspirée : Knoxville : Summer of 1915, pour soprano et orchestre. Deux versions dominent la discographie, celle de Leontyne Price (1968)  êêêê  ²² et celle de Dawn Upshaw (1988)  êêêê  ²²²


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