vendredi 8 novembre 2013

Les Sept Lieder de jeunesse (Sieben frühe Lieder) de Berg. Version avec orchestre

A la lecture de quelques lieder écrits par Alban Berg, Arnold Schoenberg, compositeur et professeur, décide de prendre le jeune homme comme élève. Nous sommes en 1904 à Vienne. Berg a 19 ans. 

Il ne pourra payer ses premières leçons. Qu’importe. Schoenberg devine, derrière le timide jeune homme, la graine du génie.
Est-ce sous l’influence de son maître que Berg décidera de ne faire publier qu’une dizaine de ses lieder, dont six écrits entre 1905 et 1908, et de laisser le reste dans l’ombre ? Nous ne le saurons jamais.

                                                                    Berg par Schoenberg 

Ces six chants pour voix et piano sont dans le sillage de Schumann, de Brahms et de Mahler. Les textes des six poètes de langue allemande : Hauptmann, Lenau, Storm, Rilke, Schlaf et Hartleben,  évoquent l’Amour au travers de la nature et des éléments. En 1907, Berg rencontre celle qui deviendra sa femme : Hélène Nahowski. Nous nageons en plein romantisme. Mais les eaux sont troubles. Berg cherche l’Autre et se cherche.

Vingt-et-un an plus tard, le compositeur reprend ces lieder, en ajoute un septième, sur un texte d’Honenberg, et les orchestre, sans modifier la partie vocale. L’orchestration, plus moderne, regorge de subtilités harmoniques. Mais la greffe entre les deux matériaux est une réussite. Berg célèbre le crépuscule du postromantisme avec un art, un raffinement incomparable.


Anne Sofie von Otter, Orchestre Philharmonique de Vienne, Claudio Abbado (1993)  êêê  ²²²²
Abbado est un immense interprète de Berg. Il rend parfaitement intelligible une musique qui chez d’autres semble bizarre ou hésite entre un monde finissant et un autre en devenir. Des détails étonnants surgissent de ci de là, mais s’intègrent immédiatement à une somptueuse polyphonie. Anne Sofie von Otter est au diapason : élocution parfaite, expressivité totale. La mezzo-soprano allemande n’a pas une voix extraordinaire. Les aigus sont un peu étriqués. C’est la pureté de la ligne vocale qui impressionne. Le quatrième lied manque juste de douceur. Le texte, Anne Sofie et Claude, le texte !Ecouter

Barbara Bonney, Royal Concertgebouw Orchestra, Riccardo Chailly (1999)  êêê  ²²²
A la sophistication d’Anne Sophie von Otter, Barbara Bonney oppose une expression plus spontanée, jusqu’à une certaine candeur. Ces Sieben fruhe Lieder, plus charnels, atteignent une ampleur qui fait défaut dans la version précédente. A l’évidence, cette musique est écrite pour une soprano. Dès que le chant s’élève dans l’aigu, l’émotion transfigure un paysage grandiose, creusé, aux couleurs acides, lessivé par les bourrasques. Riccardo Chailly fait ressortir avec raison la richesse de l’orchestration, mais sa direction est froide et tranchante. Heureusement, Barbara, est là. Die Nachtigal (le troisième lied) est magnifique. Ecouter plages 5 à 9

Jessye Norman, London Symphony Orchestra, Pierre Boulez (1987/88)  êêê  ²
Cette voix qui palpite, vibre, s’élève et s’épanouit dans l'aigu est une merveille. Surtout dans un environnement aussi peu favorable : prise de son cotonneuse et orchestre épais, ceci explique cela, sans doute. La soprano américaine est un peu à l’étroit. Elle chante avec une  passion qui ne se trouve ni dans les textes, ni dans la musique. Ce lyrisme intense ne s’accorde pas toujours avec la direction chambriste de Boulez. Malgré tout, cette interprétation tient la corde. Ecouter plages 1 à 7

Sine Bungaard, Danish Radio Sinfonietta, Matthias Pintscher (2004)  êê  ²²²
Voici une prestation presque en tous points opposée à la précédente, chantée avec beaucoup de naturel, au plus près de l’atmosphère intimiste des poèmes. Les moyens vocaux de la soprano sont nettement plus limités. Une certaine uniformité affleure, puis s’étend progressivement. Le chef impose un joli climat nordique : direction très ciselée, finesse du tissu orchestral. L’intérêt principal de cette version, c’est le contenant : un double CD EMI, avec le Concerto « A la mémoire d’un ange », la Suite Lyrique, les Quatre Pièces pour clarinette et  piano, la Lulu-Suite et autres sortilèges, dans des interprétations de haute volée.Ecouter disque 2 plages 10 à 16

Christiane Iven, Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Marc Albrecht (2007)  êê  ²²²
Soprano sur son site internet, mezzo-soprano, et même contralto ailleurs, chercher l’erreur… La voix, chaude et veloutée, pourrait faire pâlir d’envie bien des cantatrices, toutes catégories confondues. L’erreur intrinsèque et majeure, c’est le style. Les lieder sont chantés comme des scènes d’opéra romantique. Le sixième ressemble à du Puccini ! L’épaisseur orchestrale évoque les Richard (Wagner et Strauss). Tout le monde se fait plaisir. L’écoute est un régal. Mais où est passé Alban Berg ?



A écouter également
Le Concerto pour violon « A la mémoire d’un ange », aussi beau que son titre, par Anne-Sophie Mutter et James Levine (1980)  êêêê  ²²²

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