lundi 18 juin 2012

La Sixième Symphonie de Sibelius

« Une eau froide et pure », « très tranquille de caractère et de facture ». « L’ombre s’étend. » C’est ainsi que Sibelius, compositeur finlandais (1865 - 1957) décrit sa nouvelle symphonie, créée en 1923 à Helsinki.
 Il y a un paradoxe concernant cette symphonie : Sibelius, comme les musicologues, semble se tromper. Ce n’est pas de la musique froide, c’est une œuvre chantante et lumineuse, plus chaleureuse que la Cinquième, sans parler de la Quatrième. Une musique à la polyphonie aussi raffinée peut-elle être qualifiée de « pure » ?. Quant à la tranquillité, elle est de surface. Chacun des quatre mouvements est traversé par une ou plusieurs bourrasques, un de ces « orages intérieurs », expression utilisée par plusieurs critiques. Nombre de spécialistes relèvent les demi-teintes, l’absence d’épisodes très lents ou très rapides. A l’écoute de certaines versions, c’est tout le contraire.

On l’aura compris, l’œuvre a un visage de Janus. Tout le monde a raison et a tort, Sibelius compris. Il y a le texte, qui confirme toutes ces appréciations et il y a ce qu’en font les interprètes. C’est ce qui rend la Sixième passionnante : on peut la jouer de bien des manières sans en trahir l’esprit. Seule certitude : c’est un chef d’œuvre absolu. « La parfaite Sixième » selon Marc Vignal, le spécialiste français de Sibelius, a-t-elle trouvé sa traduction idéale ?


Moscow Radio Symphony Orchestra, Guennadi Rojdestvenski  êêêê ²²
A l’instar de Svetlanov dans Rachmaninov, cet autre grand chef russe insuffle aux symphonies de Sibelius une énergie farouche et une grandeur épique absolument unique. Sa Sixième n’est pas en reste. La musique frémit, chante, s’élève vers la lumière mais aussi s’engouffre dans de terrifiants orages intérieurs. L’épisode chants d’oiseaux en forêt à la fin du second mouvement est dionysiaque. A noter que Rojdestvensky est l’un des rares chefs à jouer ce mouvement Andantino, comme indiqué, alors que tant d’autres s’égarent dans la lenteur. Incontestablement la Sixième la plus lyrique et la plus dense de la discographie; un peu taillée à la serpe, certes, mais enivrante et fascinante.

Orchestre philharmonique de Berlin, Herbert von Karajan (1967)  êêê ²²²²
A l’opposé de Rojdestvensky, Karajan joue la délicatesse, la transparence, cette « eau froide et pure » dont parle Sibelius. Une eau légèrement trouble, toutefois. Le chef allemand cisèle le son et aère la trame orchestrale mais il favorise légèrement les cordes et les cuivres. Les bois ont ce côté très dessiné, peu sensuel caractéristique du style Karajan. Le chef fluidifie les textures un peu au détriment de la pulsation rythmique (3ème mouvement). Mais les phrasés, le sens des contrastes, la caractérisation des différentes séquences sont admirables. Ecoutez les chants d’oiseau en forêt. Magique ! Une Sixième en état de grâce; à ne pas confondre avec celle gravée par Karajan en 1980, sous label EMI, bien moins captivante. Ecouter Disque 2 plages 1 à 4

Philarmonia Orchestra  Vladimir Ashkenazy (1984)  êêê ²²²²
Moins sauvage que Rojdestvenski, plus incisif que Karajan, Ashkenazy a un style plus équilibré, plus naturel. S’appuyant sur un orchestre magnifique, il donne tout à entendre sans jamais solliciter le texte et sans trainer, bien au contraire. C’est une version tonique qui dispense une certaine alacrité. La forêt bruisse de chants d’oiseaux. Le 3ème mouvement, bien pulsé, restitue à merveilles les alliages de timbres. Les timbales déboulent sans complexe dans le finale. Ce n’est pas la Sixième la plus fascinante mais c’est une superbe réalisation. Ecouter Disque 3 plages 4 à 7

Rundfunk-Sinfonie-Orchester Berlin, Paavo Berglund (1970)  êêê ²
L’acoustique, genre musique de film mal dégrossie avec effet de loupe, laisse perplexe. Qui a choisi la salle ?  Qu’est-il arrivé à l’ingénieur du son ? Réponse : Qu’importe le flacon… Les cordes et les bois chantent. Cette Sixième épanouie est gorgée d’une sève toute à la fois brûlante et glacée. L’épisode des oiseaux en forêt est traversé par des bourrasques de neige. Portée par le chant, les trois dernières minutes de la symphonie sont d’une beauté irradiante. Un peu spécial tout de même. A écouter avant d’acheter. Ecouter plages 5 à 8
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Helsinki Philharmonic Orchestra, Paavo Berglund (1970)  êê ²²²
Tout commence fort bien avec une prise de son très supérieure à celle de l’enregistrement précédent et une transparence arachnéenne. Berglund relève les plus fins détails avec une science remarquable de la couleur et de l’articulation. Certaines ambiguïtés  harmoniques ou de tempi, aiguisent l’écoute. Mais ce bel édifice se lézarde avec un troisième mouvement pas assez vigoureux et un final poussif qui casse la dynamique d’ensemble. Dommage.

Halle Orchestra, Sir John Barbirolli  (1970)  êê ²²
Le grand chef anglais a signé une intégrale des Symphonies de Sibelius tout à fait singulière, un peu « brut de fonderie ». Dans la Sixième, l’ombre s’étend dès le début et opacifie toute l’œuvre. C’est une version ambiguë, entre chien et loup, avec des lenteurs langoureuses. Le matériau orchestral très épais et les instruments peu ou prou alignés au même niveau sonore, ont peu à voir avec la richesse de l’écriture sibelienne. Une curiosité.Ecouter


La version de référence




A écouter également
La Septième Symphonie, œuvre brève mais qui atteint l’immensité avec Karajan et le Philarmonia Orchestra en 1954  êêêê ²²²
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