lundi 18 juin 2012

Le Miserere de Josquin Desprez



La musique de Josquin Desprez n’atteint pas la perfection, elle est perfection. En témoigne ce Miserere écrit en Italie au début de la Renaissance, d’une pureté diamantine. La beauté même.

Au XVème siècle, se développe dans le Duché de Bourgogne (des Pays-Bas jusqu’à l’actuelle Bourgogne) la polyphonie vocale profane et religieuse, ce que l’on appelle la musique franco flamande. Ce courant artistique se répandra dans tout l’Europe au siècle suivant. Josquin Desprez (1440 - 1520) en est un éminent représentant, si ce n’est le plus grand, au moins de son vivant. Il a approfondi et renouvelé l’écriture contrapuntique avec un raffinement sans équivalent. Son œuvre comprend près de vingt messes, plus de soixante-dix chansons et plus de cent motets, dont ce Miserere.

Ce motet aurait été composé pour le Duc de Ferrare vers 1503. Le duché est à cette époque un foyer de création artistique exceptionnel. Le musicologue  Edward Lowinski (1908 - 1985) décrit ce Miserere comme « une œuvre musicale d’une puissance, d’une intensité, d’une vision, d’une grandeur conceptuelle et d’une ferveur religieuse comparable et peut-être même supérieur au Jugement dernier de Michel-Ange » Il fait alterner versets à deux, trois ou quatre voix et refrains à cinq voix. Comme tous les motets de Josquin Desprez, il se chante à capella. Nous indiquons la composition de chaque formation. Ce peut être un critère de choix.


Versions avec chœur mixte
De Labyrintho, Walter Testolin (2003)  êêêê ²²²²
2 sopranos, 3 altos, 3 ténors, 3 basses
Ce devrait être le rêve de tout chef de chœur : chaque soliste parfaitement différencié et la cohérence absolue de l’ensemble vocal, une élocution claire et expressive, une acoustique limpide, une image stéréo au cordeau et une prise de son aux petits oignons. Mais il y a plus encore dans cette prestation italienne. Une douce ferveur qui sert le texte sans l’affadir. Les chanteurs sont à genoux. Leur prière est intense, l’espoir immense. La soprano Nadia Caristi a une voix d’une beauté et d’une pureté infernale. Les autres solistes ne sont pas mal non plus. Vous aimez Josquin Desprez et ce disque est disponible ? Précipitez-vous.

La Chapelle Royale, Philippe Herreweghe (1986)  êêê ²²²
3 sopranos, 5 altos (dont 2 hommes), 5 ténors, 2 barytons, 1 baryton-basse
Herreweghe et La Chapelle Royale, c’est une manière à nulle autre pareille de façonner le chœur, de faire se frotter les voies les unes contre les autres pour créer un tout parfaitement homogène. Ce sont des voix d’hommes amples et chaleureuses, pas reléguées en arrière par les sopranos, sans suprématie des ténors, sans contre-ténor (on n’est pas chez les anglais, pas chez les baroqueux). C’est tout un art du clair-obscur, du fondu enchainé. Ce n’est pas le Miserere le plus habité. On peut se lasser. Mais attention ! Il se passe quelque chose à partir de 10’05’’. Une voix : une ou plusieurs ? féminine ou masculine ? change de nature et devient instrumentale. Cela dure 15 secondes. Et c’est proprement incroyable ! Ecouter plage 7


Versions avec chœur d’hommes
Odhecaton, Paolo Da col (2001)  êêê ²²²²
3 contre-ténors, 4 ténors, 2 barytons, 2 basses
Destination le ciel. Attachez vos ceintures. Attention au départ. Nous voilà projetés dans l’espace-temps en relief 3D, où peut s’en faut. Vocalises déployées, masculines seulement mais somptueuses complètement. La définition est parfaite, la cohérence globale imparable. On cherche en vain le petit grain de sable : défaut de diction, fragilité de timbre, petite chute de tension. Rien ! Sauf que le Miserere est un texte d’un dramatisme absolu. Le pauvre pêcheur doit gagner son ciel. Ici, nous sommes déjà dans le très beau avec Le Très-Haut. Ecouter plage 8

The Hilliard Ensemble, Paul Hillier (1989)  êê ²²
2 contre-ténors, 5 ténors, 1 baryton, 2 basses
A l’instar des Tallis Scholars et autres formations anglaises renommées, les Hilliard chantent Josquin avec beaucoup moins de chaleur que les français ou italiens précités. Certes le contre-ténor a une voix superbe et les deux ténors de la formation occupent bien le terrain. Mais les « artistes invités » sont dans leurs petits souliers. Etroites et éraillées, les voix graves font pâle figure. Les lignes de chants ne portent ni assez loin, ni assez haut ce qui devrait être une immense imploration et n’est que lent et austère. Et d’où sort cette acoustique tristounette ? Ecouter disque 2 plage 9


La version de référence





A écouter également
La messe Lesse faire a mi et les motets Salve Regina et Illibata Dei Virgo par l’ensemble Capella Pratensis dirigé par Rebecca Stewart (1995)  êêêê ²²²²



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