dimanche 10 juin 2012

Le Stabat Mater de Vivaldi

Vivaldi n’a pas écrit que de la musique brillante et joyeuse. Ce Stabat Mater, sombre et tragique, nous montre le compositeur vénitien sous un tout autre jour.

Le Stabat Mater est un poème en latin écrit au XIIIème siècle par un moine italien et incorporé à la liturgie catholique sous forme d’hymne à la Vierge Marie. Il évoque la douleur de celle-ci lors de la passion du Christ. De nombreux compositeurs ont mis ce texte en musique. Parmi eux : Josquin Desprez, Pergolèse, Boccherini, Rossini, Dvorak, Poulenc, Szymanovski et en 2005 Bruno Coulais.

Le Stabat Mater de Vivaldi est l’une de ses premières pièces de musique sacrée. C’est une commande d’une Eglise de Brescia, ville natale de son père. Ecrite en 1711 - 1712 pour voix,  ensemble à cordes, l’œuvre occupe une place à part chez dans le répertoire vivaldien. Nulle trace ici de la joyeuse exubérance des innombrables concertos et opéras. La tristesse et le recueillement dominent.

Depuis la parution en 1976 de l’enregistrement de James Bowman, ce Stabat Mater est plutôt enregistré par des haute-contre. Mais les Dames sont aussi à l’honneur : soprano, mezzo-soprano et surtout contralto. Attention ! Les voix de haute-contre sont vraiment très particulières. Mieux vaut le savoir avant de choisir une version.


Versions avec voix de haute-contre

James Bowman, The Academy of Ancient Music, Christopher Hogwood (1976)  êêê ²²²
Cet enregistrement est un jalon de la révolution baroque. On parlait alors de « versions sur instrument d’époque ». James Bowman a redonné ses lettres de noblesse à l’art de la haute-contre (mot féminin). Il a introduit cette puissance, cette plénitude qu’on retrouve aujourd’hui chez un Philippe Jaroussky. Vocalement, ce Stabat Mater reste tout simplement magistral. En revanche, les timbres métalliques et le manque de finesse de l’accompagnement passent beaucoup moins bien la rampe. Mais à l’époque, Hogwood était un pionnier. Ecouter plage 1 à 3

Carlos Mena, Ricercar Consort, Philippe Pierlot (2003)  êêê ²²²²
D’emblée, les interprètes imposent une tension inhabituelle, tout particulièrement les Ricercar Consort. Cet ensemble déploie une belle palette de couleurs. Les lignes mélodiques sont superbement mises en valeur. Il y a beaucoup de chaleur et de présence. Le chanteur n’est pas en reste. La voix est douce et lumineuse. Mais ce bel ouvrage s’étiole dans les six dernières minutes avec un Eja Mater un peu vaporeux et un Amen vraiment trop confortable. Ecouter plages 7 à 15

Andreas Scholl, Ensemble 415, Chiara Banchini (1995)  êê ²²²
Scholl ou la crème des haute contre. Une voix douce, étale qui plane très haut dans un ciel pur. C’est l’aisance suprême du chant, avec une pointe d’affectation, parfois, mais toujours très racé. Banchini ne partage pas cette hauteur de vue. Les cordes sont acides. L’orgue, un peu trop en avant, déséquilibre le continuo. Une version d’une beauté froide, désincarnée, loin de la densité émotionnelle du texte. Ecouter plages 13 à 21

Versions avec voix de contralto

Marie-Nicole Lemieux, Tafelmusik Baroque Orchestra, Jeanne Lamon (2003)  êêêê ²²²²
N’ayons pas peur des mots, l’art de Marie-Nicole Lemieux touche au sublime. Elle partage la douleur de la Mère qui perd son enfant. Elle console aussi. Avec une extraordinaire douceur, elle restitue la dimension tragique du poème et en même temps va bien au-delà. Le Cujus Animam est bouleversant. Le Tafelmusik offre à cette voix pleine et chaude un écrin aussi somptueux que les Ricercar Consort mais plus ferme, plus ciselé. Un Vivaldi d’exception. Ecouter plages 15 à 23

Sara Mingardo, Concerto Italiano, Rinaldo Alessandrini (1999)  êêê ²²²²
Avec cette équipe italienne, nous basculons dans la dimension physique de la Passion. Ce Stabat Mater a un goût de terre et de sang. Le Concerto Italiano imprime la pulsation lancinante de la douleur : coups de glaive du Cujus Animam, scancion acérée de l’Eja Mater. Mais c’est Sara Mingardo, la grande prêtresse de ce théâtre de la mort. Sa voix sombre, légèrement vibrée, habite le texte du murmure jusqu’au bord de la déchirure. Elle apporte un peu d’humanité dans un environnement assez glaçant au premier abord. Ecouter plages 15 à 22


La version de référence


A écouter également
L’étrange Sinfonia « Al Santo Sepolcro » par l’Accademia Bizantina et Ottavio Dantone (2005) êêêê ²²²², sur un disque consacrée majoritairement à la soprano Sandrine Piau et intitulé « In furore, Laudate pueri e concerti sacri. »

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