lundi 18 juin 2012

Les Etudes Symphoniques de Schumann

En 1834, Schumann est fiancé avec Ernestine von Fricken. Il demande au père de la jeune femme, compositeur et flutiste, de lui écrire un thème. Schumann veut s’essayer aux variations pour piano.
 D’abord appelée  « Etudes dans le caractère orchestral pour Eusébius et Florestan », puis « Variations pathétiques », l’œuvre est publiée en 1837, puis en 1852.
 
Les Etudes Symphoniques sont écrites pour le piano, mais utilisent les différents registres expressifs qui confèrent à l’instrument une ampleur orchestrale. Les interprètes doivent savoir combiner virtuosité et émotion, car c’est un jeune homme amoureux qui écrit ces pages.
Le thème, très subtil, est suivi de onze variations et d’un final.

A l’origine, il y avait seize variations. Schumann écarta cinq d’entre elle, pas assez brillantes selon lui pour être intégrées à l’ensemble. Elles seront publiées après sa mort. Ces Variations Posthumes sont très belles. C’est le pianiste français Alfred Cortot qui suggéra de les réintégrer. Depuis, certains pianistes jouent les Etudes Symphoniques stricto sensu. D’autres insèrent les Variations Posthumes en bloc ou les répartissent au fil de l’œuvre. Certains ne jouent qu’une partie de ces Variations. D’autres les jouent intégralement, mais à la suite des Etudes ou complètement à part. En fait, Il n’y a pas de configuration idéale.


Versions sans les Variations Posthumes

Yves Nat (1953, mono)  êêêê ²
Les premiers accords, aux sonorités de bronze, introduisent un climat irréel. A la virtuosité pure, Yves Nat préfère les progressions, les nuances dynamiques, les timbres mordorés avec des graves somptueux qui sont un peu sa marque de fabrique dans Schumann. Les tempi plutôt modérés et quelques secondes de silence entre chaque étude confèrent une intensité fragile à cette version légendaire, qui n’a pas pris une ride. Ecouter

Ivo Pogorelich (1982)  êêê ²²
Le pianiste croate ne joue pas les Etudes Symphoniques, il les explore, les met en scène avec une technique de haut vol et un raffinement de tous les instants. Les études lentes sont très réussies, témoin cette 8ème, d’un tragique absolu. La virtuosité pure dévalue un peu les pièces les plus rapides. La science des détails menace la structure globale. On peut déplorer les sécheresses de l’instrument. Mais ce que Pogorelich en tire est impressionnant. Ecouter plages 3 à 15


Version avec une partie des Variations Posthumes

Vladimir Sofronitzky (en concert, 1959, mono)  êêêê ²
Pianiste russe de génie, Sofronitzky semble sonder au plus profond l’âme schumannienne, entre passion et folie. Certaines études sont fulgurantes. Dans les 6ème et 7ème, les notes tombent comme des hallebardes. Cette vision âpre et sauvage ne laisse pour ainsi dire pas de place à l’apaisement, même dans les pièces plus lentes comme la 2ème ou la 11ème Etude. Le pianiste joue quatre des cinq Variations Posthumes, dans le désordre, deux dispersées, deux regroupées. L’enchainement entre la 5ème Variation et la 8ème Etude est vraiment bizarre, à l’image de cette interprétation atypique, véritable incendie musical.Ecouter

Géza Anda (second enregistrement, 1963 )  êêê ²²
Sobres, denses, resserrées, ces Etudes Symphoniques sont l’antithèse de celles de Pogorelich, tout en étant aussi radicales. En effet, le pianiste suisse ne fait pas les reprises. Surtout, il ne joue que les deuxième et cinquième Variations Posthumes. Pourquoi celles-ci et pas les autres ? Rien à redire, en revanche, coté style. L’assise rythmique solide, la netteté des attaques confèrent à cette lecture relief et grandeur. Et le Final est aussi percutant qu’il doit l’être, sans lourdeur ni agressivité. Ecouter plages 12 à 26


Versions avec la totalité des Variations Posthumes

Philippe Bianconi (1995)  êêê ²
De prime abord, cette version peut sembler un peu frustre. Il n’en est rien. Le piano a une belle épaisseur. C’est la prise de son qui est en cause, pas le style. Bianconi est un artisan de la matière sonore et un poète. Il introduit de subtiles nuances dans l’intonation, les phrasés. Les tempi sont modérés, très retenus dans les études plus rapides (9ème, 10ème). Les Variations Posthumes, d’une frémissante beauté, sont regroupées après les Etudes, ce qui est un excellent choix. Avec ses notes suspendues, la dernière nous emmène vers une autre contrée.

Finghin Collins (2008)  êêê ²²²
Cet enregistrement fait partie d’une intégrale de l’œuvre pour piano de Schumann, partagée entre deux interprètes. C’est une lecture claire et cursive qui s’appuie sur un beau toucher, des sonorités charnues, surtout dans les aigus. La conception d’ensemble est équilibrée et très homogène. A preuve ces Variations Posthumes réparties tout au long des Etudes mais qui s’y intègrent naturellement. Ecouter plages 13 à 30


La version de référence (sans les Variations Posthumes)



A écouter également
Les Etudes sur un thème de Beethoven, œuvre très peu connue, qui mérite d’être redécouverte, sous les doigts d’Eric Le Sage (2010)  êêê ²²²

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