lundi 18 juin 2012

La Sonate pour violoncelle et piano de Prokofiev

En 1948, sous le règne de Staline, Prokofiev rencontre un jeune violoncelliste, un certain  Mstislav Rostropovitch.
C’est le début d’une grande amitié, qui verra la naissance d’une sonate pour violoncelle et piano et de la Symphonie concertante pour violoncelle et orchestre.
Les temps sont durs. Prokoviev est sur la sellette depuis que Jdanov, le secrétaire du Parti communiste, l’a déclaré « ennemi du peuple », honneur qu’il partage avec Chostakovitch. Sa situation matérielle se dégrade. Il est malade.

Composée en 1949, cette sonate renoue avec l’inspiration romantique des premières œuvres orchestrales de Prokofiev, mais avec des audaces d’écriture comme ces brusques changements d’humeur, ce mélange de grandeur lyrique et de légèreté. Elle est créée par Mstislav Rostropovitch et Sviatoslav Richter en mars 1950 au Conservatoire de Moscou.


Mstislav Rostropovitch, Sviatoslav Richter (1956, mono) êêêê ²²
La puissance de chant du violoncelle saisit d’emblée. Puis c’est une mélancolie insondable. Ce premier mouvement est un voyage aux résonnances lointaines. Le second tisse les fils d’une savante ambiguïté. Bien cramponné tout d’abord, le final se dissout dans le silence. Une atmosphère étrange et raréfiée s’installe. On reprend son souffle, la fin est proche. Les deux musiciens jettent avec rage leurs dernières forces au seuil de compression sonore. Des défauts ? Le violoncelle est trop en avant. Le pianiste sculpte l’arrière-plan avec une énergie que l’on devine chevillée au corps. Magistral et intemporel.Ecouter

Gautier Capuçon, Gabriela Montero (2006)  êêê ²²²
La jaquette avant, très glamour, laisse présager le pire. Nous sommes certes sur le terrain savonneux de l’hédonisme : violoncelle lyrique et sensuel, piano très cantabile dans les épisodes lents. Pour autant, les interprètes ne basculent jamais dans la vulgarité. Le duo n’est pas idéalement équilibré mais fonctionne au quart de tour, avec un beau sens de l’accroche et du rebond. Surtout, les deux musiciens  déploient une solide énergie qui culmine dans un troisième mouvement absolument irrésistible. Ça chauffe, ça chante et ça danse ! Ecouter plages 7 à 9

Gary Hoffman, Philippe Bianconi (2008)  êêê ²²²²
Retour à des choses plus sérieuses, plus en phase avec l’esprit musique de chambre de l’œuvre. Remarquons la fermeté, l’éloquence de part et d’autre, une solide imbrication des deux instruments qui poussent le son plus en avant que dans la version précédente et incrémentent les détails. Dommage que ces deux grands artistes n’aillent pas plus au-delà des notes. Une version de belle facture, cependant, très bien enregistrée.

Truls Mork, Lars Vogt (1996)  êêê ²²
On ne trouvera pas ici le même confort d’écoute. L’acoustique sèche favorise le piano. Mais
contrairement aux précédents, les musiciens n’ont pas peur d’investir le champ des émotions, tout particulièrement le violoncelliste, qui a un nom impossible mais un style merveilleux. Il ose la fragilité, la tendresse (second mouvement) mais semble crispé, à l’étroit dans certains passages vifs du final. Qu’importe. Au moins il y a un climat, des changements d’humeur, un sentiment de vulnérabilité qui nous touchent. Ecouter Disque 2 plages 10 à 12


Yo -Yo Ma, Emmanuel Ax (1990)  êê ²²²
Le grand violoncelliste japonais et l’excellent pianiste américain s’entendent et se complètent à merveille malgré leur singularité. D’un côté le moelleux, le nuancé, de l’autre l’épaisseur, la fermeté. Goûtez ces demi-teintes (second mouvement), cette étrange atmosphère dans l’épisode lent du final. Tant de chaleur et de rondeur feraient un excellent Brahms. Dans Prokofiev, c’est tout à fait hors sujet.


La version de référence







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