lundi 18 juin 2012

Le Concerto pour orgue, cordes et timbales de Poulenc

C’est sans doute le concerto pour orgue le plus célèbre du 20ème Siècle, œuvre d’un musicien qui l’est beaucoup moins, bien à tort : Francis Poulenc (1899 - 1963).

Composée entre avril et août 1938, c’est une commande d’un mécène d’origine américaine : la Princesse de Polignac. Elle a été créée en juin 1939 par Maurice Duruflé, compositeur et organiste et Roger Desormière, chef d’orchestre. Deux ans plus tard, le français Charles Munch dirigeait l’Orchestre symphonique de Boston pour la création américaine. L’œuvre reste plus connue aux Etats-Unis qu’en France, où elle est assez peu jouée.
  
Ce concerto est beaucoup moins alerte, moins pétillant que les trois autres concertos de Poulenc (pour piano, deux pianos, clavecin), plus original aussi. Il marque une évolution de Poulenc vers une certaine profondeur, que le retour à la foi catholique explique en partie.  L’inspiration, très polymorphe, va même chercher dans les premières notes du dernier mouvement de la Symphonie Pathétique, comme un clin d’œil de Poulenc à l’autre grand compositeur homosexuel : Tchaïkovski. L’œuvre est belle, assez étrange, en un seul mouvement. Le titre mentionne les timbales. Ces percussions jouent donc un rôle essentiel. Nous allons voir si les différents interprètes s’en souviennent.


André Isoir, Orchestre de Picardie, Edmon Colomer (1999)  êêêê ²²²²
Très grand organiste, André Isoir joue un instrument somptueux : l’orgue de la Cathédrale de Laon. La richesse de la matière sonore, la différenciation des registres, des volumes restent inégalée dans la discographie. Cette Rolls des tuyaux s’intègre à la perfection dans un orchestre qui rend justice aux moindres détails du texte, timbales comprises. De saisissantes interventions émaillent toute l’œuvre : formidable bain sonore de la quatrième section, impression de matière en fusion dans la sixième, coup de timbale final (absent de toutes les autres versions). La douceur, la ferveur sont aussi de la partie. Tout simplement magnifique. Ecouter

Maurice Duruflé, Orchestre national de l’ORTF, Georges Prêtre (1961)  êêêê ²²
Grand serviteur de la musique de Poulenc, créateur de la Voix humaine et du Gloria, Georges Prêtre a signé cette première version de référence. L’orgue de St-Etienne-du-Mont n’est pas aussi riche en timbres que le précédent. La prise de son rétrécit les basses. Les timbales se perdent un peu en route. Mais l’ambiance liturgique nous transporte. La grandeur, l’intensité spirituelle restent inégalées. Les lignes de tension sont maintenues d’un bout à l’autre de l’Andante central qui s’achève de manière cinématographique. Le passage « Symphonie Pathétique » est poignant, la coda complètement mystique. Le grand frisson à la française.Ecouter

Berj Zamkochian, Orchestre symphonique de Boston, Charles Munch (1960)  êêê ²
L’un des plus grands orchestre américain, un chef d’une trempe peu commune; le résultat est à la mesure des forces déployées : grandiose. Les  interprètes soutiennent constamment l’attention. L’Andante central avance mais vire à l’éléphantesque sur la fin. Des fusées sonores partent sur le côté dans la sixième section. La coda, navrée, est unique en son genre. Une conception résolument symphonique, assez peu concertante, pas du tout liturgique. L’orgue, lourd et terne ne se détache pas vraiment. Et que dire des timbales, victimes elles aussi d’une prise de son épaisse. Mais quelle fougue, quel panache !

Simon Preston, Orchestre symphonique de Boston, Seiji Ozawa (1991)  êê ²²²
Boston, encore, mais dirigé par Ozawa. Le chef japonais porte le Concerto à des sommets de raffinement. Il y a chez cet homme un sens du détail, de la perfection orchestrale et en même temps de l’élévation qui emporte l’adhésion. Le concerto va et vient entre le mode sensible et l’élan vers la lumière. L’orgue n’est malheureusement pas à la hauteur, avec ses sonorités pauvres, fluettes, un peu synthétiques parfois. Dommage. Ecouter plages 7 à 9


Les deux versions de référence






A écouter également
Un des points d’orgue de la musique sacrée de Poulenc : Le Gloria, par Brigitte Fournier, l’Orchestre et le chœur de la Fondation Gulbenkian, Michel Corboz (1993)  êêêê ²²²

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