lundi 18 juin 2012

Le Concerto pour piano n° 2 de Chopin

Chopin a 19 ans lorsqu’il compose ce concerto. Il le joue en public pour la première fois le 7 mars 1830. L’accueil est très favorable. Mais Chopin a l’esprit ailleurs.
 Une jeune cantatrice, Constance Gladkowska, occupe ses pensées. Le sublime mouvement central (Larghetto) témoigne de son trouble. Un second concerto est en route. Chopin songe à quitter la Pologne pour Vienne, Paris ou toute autre ville plus prometteuse en termes de carrière musicale. Ce sont finalement l’occupation russe et l’insurrection populaire qui le pousseront au départ en novembre 1830, destination Paris. Il ne retournera jamais en Pologne.

Il s’agit du premier concerto écrit par Chopin, édité en 1836, trois ans après le second; d’où la numérotation. Les deux concertos se ressemblent beaucoup. Toutefois, celui-ci est plus concis, plus réussi en un sens. Mais alors que dans les concertos de Mozart ou de Beethoven, piano et orchestre sont vraiment partenaires, ici le soliste est roi. Mise à part la longue introduction, les autres musiciens n’ont qu’un rôle d’accompagnement. Certains interprètes se tiennent à cette différence de statut entre le piano et l’orchestre. D’autres jouent la carte du rééquilibrage.


Polish Festival Orchestra, Krystian Zimerman (1999)  êêêê ²²²²
Le grand pianiste polonais avait ce projet en tête depuis vingt ans : diriger les concertos de Chopin. Après des années de travail, de recherches historiques et musicologiques, il crée son orchestre, composé uniquement de musiciens polonais, part en tournée et enregistre ce disque. Le résultat est sidérant. Zimerman allège les textures et nous restitue des détails jamais entendus au disque. Il est le premier à oser le lyrisme, l’effusion dans la direction d’orchestre, à creuser aussi profondément la partition. Il met en place d’impressionnants changements de tempo, de larges respirations tout en préservant l’unité organique. Le piano, sculptural, est extraordinaire de noblesse et de grandeur. Le tout est d’une puissance vertigineuse. Ecouter Disque 2

Ivo Pogorelich, Chicago Symphony Orchestra, Claudio Abbado (1983)  êêê ²²
Pogorelich dans Chopin, c’est le grand chambardement. Enfant terrible à la scène comme au disque, le pianiste yougoslave relève la moindre nuance, exacerbe les contrastes, accélère ou ralentit, étire les parties solo. Cependant, il ne tombe jamais dans le futile ou le vulgaire car il investit complétement le champ émotif de l’œuvre. Témoin ce Larghetto frissonnant de tendresse. Même dans le final, trop leste, Pogorelich reprends très vite pied sur le terrain de l’expressivité. Abbado insuffle à l’œuvre une dimension héroïque un peu datée et décalée - on dirait du Schumann - mais qui colle bien avec la superbe du soliste. Le grand frisson. Ecouter plages 4 à 6

Rafal Blechacz, Royal Concertgebouw Orchestra, Jerzy Semkov (2009) êêê ²²²²
Ce jeune pianiste polonais joue la ligne plutôt que le volume. On admire la finesse, la fluidité, le rubato parfaitement maîtrisé. Mêmes les trilles sont élégantes. Alors que Zimerman et Pogorelich s’approprient le concerto, ici le soliste s’efface derrière le musicien. La direction d’orchestre est aux petits oignons, malgré quelques sécheresses de timbres. Elle s’articule idéalement avec le piano. Une version parfaite sur la forme, un peu trop à distance de l’émoi amoureux. Ecouter plages 4 à 6

Samson François, Orchestre national de la Radiodiffusion française, Paul Kletzi (1958, mono) êêê ²
Formidable Samson François ! Quelle verve et en même temps quel chic ! Cet artiste est un charmeur de premier ordre. Son jeu déborde de sensualité sauvage. Ce piano chante, danse et cogne. Le Larghetto est un torrent de passion, le final fouette les sangs. L’orchestre ne s’en laisse pas compter. Il déploie une belle énergie malgré la faiblesse de certains pupitres. Mais la prise de son appauvrit les couleurs, brouille les détails et étrique les dynamiques. Pour Samson François, pour lui seul.

Tatiana Shebanova, The Polish Sinfonia Inventus Orchestra, Marcin Nalecz-Niesiolowsky (2009)  êê ²²²
L’entrée du piano fait sensation. La conduite est large et ferme, le jeu très détaillé, le style d’une noblesse incroyable. Le concerto se créée devant nous, note après note. La pianiste prend son temps, habite chaque mesure, soigne les enchainements. Elle évite tout effet de manches dans les passages virtuoses. L’orchestre, en retrait, ne fait qu’esquisser les contours, sauf dans le final où le piano marque le pas. Une épure.


La version de référence


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