mardi 12 juin 2012

Les Préludes pour piano, Livre 1 de Debussy

Des pas sur la neige, Ce qu’a vu le vent d’ouest, La cathédrale engloutie…Faut-il prendre à la lettre ces titres ou se laisser porter par son imagination ?

De même que Chopin et Chostakovitch, Debussy a écrit 24 préludes pour piano, mais regroupés en deux recueils au lieu d’un seul et comportant chacun un titre imagé. Dans la partition d’origine, ce titre figure à la fin de chaque pièce, entre parenthèses et précédé de points de suspension. Il ne s’agit donc pas de musique descriptive ou à programme. S’il est difficile pour les interprètes de faire abstraction de ces titres, ceux-ci demeurent purement indicatifs.

Le premier livre des Préludes a été publié en 1910. En voici la liste par titres. Mais on peut très bien s’en passer. L’imagination de chacun(e) reste le meilleur guide pour goûter ces pièces, d’une grande richesse de climats.
-       Danseuses de Delphes
-       Voiles
-       Le vent dans la plaine
-       « Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir »
-       Les collines d’Anacapri
-       Des pas sur la neige
-       Ce qu’a vu le vent d’ouest
-       La fille aux cheveux de lin
-       La sérénade interrompue
-       La cathédrale engloutie
-       La danse de Puck
-       Minstrels


Krystian Zimerman (1991)  êêêê ²²²
Rare au disque comme à la scène, le pianiste polonais frappe un grand coup avec ces préludes revisités de fond en comble, d’une concentration et d’un raffinement sans égal. Tous, même les plus dépouillées, relèvent d’une savante construction où la netteté du trait le dispute à l’imagination. La musique vient de très loin : Des pas sur la neige, semble s’arrêter au milieu du gué : Les collines d’Anacapri, part en rafales, en folles cabrioles : Le vent dans la plaine, La danse de Puck. Cette version de toutes les audaces, moderne entre les modernes, s’inscrit en notes d’or dans la discographie. Seul bémol : des timbres un peu trop brillants, métalliques parfois. Mais quelle classe ! Du très, très grand piano. Ecouter Disque 1

François Chaplin (2000)  êêê ²²
De même que Zimerman, le pianiste français façonne le son avec précision, mais fait mieux ressortir les lignes mélodiques. Le toucher est beau, le jeu plus galbé, plus familier aussi. Il délivre une variété de timbres et une sensualité qui manquaient dans la version précédente. Nous sommes plus proches d’une certaine élégance française, faite de charme, de fantaisie et de profondeur (belle cathédrale engloutie). Tout juste peut-on déplorer certaines sécheresses, en cause l’instrument utilisé et un manque d’incarnation des préludes les plus elliptiques. Ecouter plages 1 à 12

Friedrich Gulda (1969)  êêê ²²
Capricieux et fantasques, ces préludes évitent tout autant le grand style à la Zimerman que l’incarnation façon Chaplin. Nous sommes tout simplement dans un autre monde et abordons enfin les rivages du rêve. La prise de son nimbée, un peu opaque y est sans doute pour beaucoup. Vous aimez les graves ? Vous allez adorer. Les sons et les parfums ont un charme envoutant, la cathédrale est vraiment au fond de l’océan. Mais il y a aussi cet art de la fantaisie qu’illustre bien la douce folie de la danse de Puck. Une interprétation hors normes. Ecouter plages 1 à 12

 Aldo Ciccolini (1991)  êêê ²
Le style peut paraitre un peu lourd. Trop de pédales (Des pas sur la neige), trop d’accents, trop de rubato, trop d’affect (La sérénade interrompue), trop d’effets. Mais un peu de chaleur, de sentiment ne font pas de mal. Certes, le pianiste italien joue la carte de l’émotion bien plus que ses confrères. Mais il ne perd jamais le fil et habille ces pièces de superbes harmoniques. C’est la prise de son qui cloche. Enregistrés la même année que ceux de Zimerman, ces préludes semblent sortis tout droit des années cinquante. Malgré, ou à cause de cela, écoutez et savourez cette frémissante interprétation. Ecouter Volume 2

Claudio Arrau (1979)  êêê ²²²
Impressionniste peut-être, plus proche en tous cas de l’impression que de la sensation, cette lecture ou plutôt cette épure nous emmène très loin, pourvu que l’on s’investisse dans l’écoute. Car ces préludes ne se laissent pas facilement approcher. La construction des danseuses de Delphes est insaisissable, les collines d’Anacapri sont engourdies, Les sons et les parfums carrément abscons. Restent de grands moments de piano, entre timbres mordorés, notes feutrées, toucher souverain, qui contiennent leur part de rêve. Ecouter Disque 1 plages 1 à 12
 
Nelson Freire (2008)  êêê ²²²
Pas d’émotion superflue, de sophistication inutile, de sonorités vaporeuses, de climats fabriqués…Le pianiste brésilien semble écarter d’un revers de main les explorations stylistiques de ses prédécesseurs. Retour aux fondamentaux, donc. Les Préludes de Debussy, c’est du solide. Fermeté, puissance jusqu’à une certaine pesanteur (choral de la cathédrale), contrôle des couleurs, peu de pédale. Très intéressant mais plutôt pour les connaisseurs. Ecouter plages 1 à 12

Arturo Beneditto Michelangeli (1978)  ê ²²
Le pianiste italien est un grand miniaturiste. Il trouve la tournure ou le contraste qui pimente chacune des pièces, le petit détail qui fait mouche. En revanche, le timbre n’est pas son fort. Ne parlons pas du climat (cathédrale engloutie mais par le vide). Ce jeu cérébral, pisse-froid nous semble bien loin de l’univers Debussyste. La prise de son, bien dure, n’arrange rien.

La version conseillée



A écouter également
Les Images pour piano, deuxième série dans la version très incarnée de Jean-Efflam Bavouzet (2008)  êêêê ²²²²

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