lundi 18 juin 2012

Les Quatre Légendes de Lemminkainen de Sibelius

Lemminkainen séduit toutes les jeunes filles sur son chemin, enlève l'une d'entre elle, repart en chasse et doit tuer le cygne noir de Tuoni, le Royaume des morts, pour gagner la suivante. Il se fait tuer, puis dépecé. Sa mère recolle les morceaux. Lemminkainen ressuscite et revient victorieux dans sa contrée natale.
 Ces quatre poèmes symphoniques doivent être joués dans l’ordre suivant (que certains chefs ne respectent pas) :
-       Lemminkainen et les jeunes filles de Saari
-       Le Cygne de Tuonela
-       Lemminkainen à Tuonela
-       Le retour de Lemminkainen

Il y a dans ces quatre légendes finnoises de quoi exciter l'imagination. Sibelius (1865 - 1957) restitue avec une grande variété de couleurs les climats de cette épopée. Cette œuvre écrite en 1895 - 96, éminemment romantique, contient des passages d'une modernité étonnante. Elle a notamment inspiré les compositeurs de musique spectrale.
Les quelques chefs qui ont enregistré ce cycle ont-ils été inspirés par son étonnante richesse ?


The Philadelphia Orchestra, Eugène Ormandy (1978)  êêê ²²²
Le chef américain n'a aucun mal à se tirer d'affaire. Il creuse au plus profond cette musique, soulève des forces telluriques. Dans Lemminkainen à Tuonela , le son semble sortir des entrailles de la terre, enfle et dévore tout sur son passage. L'écho lointain de fête qui suit n'en est que plus poignant. On pourrait souhaiter plus de finesse, de richesse de timbres. Mais aucune autre version n'atteint cette puissance narrative. Ecouter plages 1 à 4

Swedish Radio Symphony Orchestra, Mikko Franck (1999)  êêê ²²²²
Avec des moyens plus modestes : orchestre moins renommé, plus réduit, le jeune chef finlandais déploie des trésors de beauté. Cette vision sombre, capiteuse, nous plonge dans un monde magique. La musique s'épanouit naturellement. Les couleurs sont belles : cordes chaudes, bois galbés, graves profonds. Tout juste peut-on regretter un manque de tension dans le dernier poème.

Royal Stockholm Philarmonic Orchestra, Paavo Jarvi (1996)  êêê ²²²
Nous tenons ici la version la plus aboutie quant à l'architecture. Le chef estonien sait admirablement doser le son, conduire les phrasés, organiser les développements. Il propose une sorte d'épure de l'œuvre, loin de la dimension légendaire. Autant être prévenu, cette distanciation peut laisser complètement au bord de la route. On peut aussi succomber à l'étrange beauté de ce voyage dans les hautes sphères.

Los Angeles Philarmonic, Esa-Pekka Salonen (1991)  ê²
Très remarquée lors de sa parution, cet enregistrement nous semble bien surestimé. Lemminkainen devient sous cette baguette une musique du 20ème siècle. Très attentif aux détails, le chef soigne les tessitures, la différenciation des plans sonores. Les roulements de timbales sont énormes, les cordes discrètes. Les pupitres de bois sont à la peine. La pauvreté des timbres est patente. Rien n'excite l'imagination. Vision moderne, certes mais abstraite. La troisième légende précède la seconde, ce qui déséquilibre l’œuvre.

Lahti Symphony Orchestra, Osmo Vanska (1999)  ê ²²²²
Convoqué pour la réalisation au disque de l'intégrale des œuvres de Sibelius, Osmo Vanska s'acquitte consciencieusement de cette tâche. Soucieux d'aérer autant que possible le tissu orchestral, il abuse des tempi lents et des pianissimo. A force de raffinement, cette interprétation, ou plutôt cette analyse, manque de relief et de puissance.


La version conseillée



A écouter également :
En Saga, autre poème symphonique, par Mikko Franck (1999)  êêêê ²²²²
Une musique de rêve dans une version de rêve.


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