mercredi 13 juin 2012

Les deux Sonates pour violoncelle et piano de Fauré

Musique riche ou austère, subtile ou insaisissable ? Difficile de cerner la nature profonde de ces deux sonates, typiques de la dernière manière de Fauré.

Un peu comme Poulenc, Fauré (1845 - 1924) fut un musicien aimé et respecté de son vivant mais la postérité ne l’a jamais hissé au panthéon des musiciens français, aux côtés de Berlioz, Debussy et Ravel. L’œuvre souffre de sévères à priori. Elle serait difficile d’accès, ennuyeuse, savante, voire surannée. Mais le pire ennemi de Fauré est peut-être son Requiem, ce « tube » à la douce et envahissante saveur, qui fait oublier tant de parfums, d’arômes et d’épices qui se concentrent dans les pièces pour piano, les mélodies et la musique de chambre.

Après deux sonates pour violon et piano, deux quatuors avec piano, deux quintettes avec piano, Fauré compose deux sonates pour violoncelle et piano. Ce dernier binôme est aussi cohérent que les précédents. Difficile de choisir une sonate et d’écarter l’autre. Elles sont tout autant riches, singulières et subtiles. La première est plus lyrique, la seconde plus introspective. Ecrites respectivement  en 1917 et en 1921, elles s’inscrivent dans ce que l’on a coutume d’appeler la dernière manière de Fauré. Le compositeur est devenu sourd. Le style est plus concis, plus dépouillé. Musique ascétique, évanescente ? Là encore les préjugés ont la vie dure. Pour leur tordre le coup, rien de telle qu’une petite confrontation d’interprétations.


François Salque, Eric le Sage (2011)  êêêê ²²²
Salque est l’un des plus grands violoncellistes français de notre temps. Son compère l’un des meilleurs pianistes de sa génération, tout aussi à l’aise dans Fauré que dans Schumann. Les deux compères jouent cette musique redoutable en apesanteur, privilégiant les inflexions et les points de tension. On ne peut rêver interprétation plus nuancée, parfait équilibre entre légèreté et profondeur, gravité et détachement. Réminiscence de l’Elégie, le mouvement lent de la Deuxième Sonate est d’une poésie intense. La mise en place a tendance à privilégier le violoncelle, sans affecter la clarté de la partie de piano. Prise de son naturelle et agréable. Ecouter plages 2 à 8

Ophélie Gaillard, Bruno Fontaine (2004)  êêêê ²²²
Le tandem précédent misait sur la délicatesse, la fragilité. Celui-ci met l’accent sur la cinétique des deux sonates et la densité de l’écriture. Ophélie Gaillard est la vedette de cette prestation. Elle joue un superbe instrument de 1852, un Bernard-Père. Les amateurs de violoncelle chaud et sensuel seront comblés. Mais le pianiste n’est pas en reste et « marque à la culotte » sa partenaire. L’intérêt est constamment relancé. C’est une version plus homogène que la précédente, un peu moins sensible, avec des  musiciens captés de près, dans une acoustique plus claire. Ce peut être un bon choix pour découvrir ces sonates. Ecouter plages 2 à 4 et 7 à 9

Xavier Gagnepain, Jean-Michel Dayez (2007)  êêê ²²²
Le violoncelle Gand et Bernardel 1878 est encore plus beau que celui d’Ophélie Gaillard. Mais c’est le piano Erard 1902 que l’on remarque d’emblée. Les sonoritées épaisses, moites et envahissantes contrastent avec l’excellente définition du violoncelle. Nous suivons avec intérét les périgrinations de ce curieux attelage, esthétiquement intéressant, avec de belles imbrications de timbres, mais trop lourd, la faute au pianiste essentiellement. C’est au violoncelliste que l’on doit les pûrs moments de grâce d’une version un peu extérieure mais attirante, comme un plaisir doux et volatile. Pour les connaisseurs, les curieux, pour les deux. Ecouter

Paul Tortelier, Eric Heidsieck (1ère Sonate 1974, 2ème Sonate 1968)  êêê ²²²
La prise de son, excellente pour Emi qui nous a habitué à pire à l’époque, ne favorise pas le violoncelle. D’où cette impression que Tortelier « va au charbon », chercher le maximum de matière dans un espace restreint, sauf dans l’Andante de la Première Sonate, curieusement réservé. Le vibrato dans celui de la Seconde est un peu daté. Mais quelle verve et quelle belle entente avec le pianiste ! Heidsieck est un grand spécialiste de Fauré, au jeu solide mais capable de magnifiques envolées (final de la deuxième Sonate.) Tonique et buriné. Ecouter Disques 1 et 2 plages 8 à 10


Les deux versions de référence

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire