mardi 12 juin 2012

Le Deuxième Concerto pour piano de Brahms

Il aura fallu trois ans à Brahms pour écrire son second concerto pour piano. Le 7 juillet 1881, dans une lettre, il annonce à un ami : «…je viens d’écrire un tout petit concerto de piano avec un tout petit scherzo…»).
 Ledit concerto dure cinquante minutes et le scherzo en question est un morceau de bravoure. Brahms joue l’œuvre pour la première fois en public le 9 décembre 1881 à Budapest. L’accueil est bien plus favorable que pour le Premier Concerto, créé vingt ans plus tôt.

Ce Deuxième Concerto est bien différent du premier : plus élaboré, plus complexe. Devenu un instrument soliste à part entière, le piano s'insère dans un orchestre raffiné. L'oeuvre est en quatre mouvements, assez hétérogènes. Le premier solide, serré. Dans le second, le fameux petit scherzo, Brahms semble voir sa vie en abyme. Le troisième, grande rêverie nocturne, commence par un chant au violoncelle. Le joyeux quatrième est traversé par une valse viennoise.
Voilà donc un concerto redoutable. Il faut trouver le "ciment" et doser au mieux les matériaux pour réussir cette splendide construction.


Geza Anda, Orchestre philharmonique de Berlin, Ferenc Fricsay (1961)  êêê ²²²
Le pianiste est connu pour la sobriété de son jeu, le chef  pour sa direction engagée. Ce Second Concerto témoigne d'une collaboration exemplaire. Les deux artistes vont droit à l'essentiel. Ils s'engagent à fond dans cette musique, sans sécheresse ni emphase. La tension est constante, même dans les épisodes lents. Alors que nombre d'interprètes actuels veulent à tout prix éclaircir les textures, ce Brahms sanguin fait plaisir à entendre. Ecouter plages 1 à 4

Emil Guilels, Orchestre philharmonique de Berlin, Eugen Jochum (1972)  êêê ²²²
De nouveau le Philharmonique de Berlin, dirigé cette fois par un grand spécialiste de Bruckner. Le geste est large, l'expression chaleureuse, Cela respire et chante comme rarement. L'orchestre, somptueux, ajoute à notre plaisir. Le pianiste est un beethovenien au style bien charpenté. L'instrument n'est pas idéal : aigus un peu durs, graves manquant de chaleur. Curieusement cette combinaison fonctionne bien, peut-être parce que les musiciens jouent avec la même passion. Ecouter Disque 2 plages 1 à 4

Claudio Arrau, Royal Concergebow Orchestra, Bernard Haitink (1969)  êê ²²²
Arrau est l'un des plus grands pianistes du XXème siècle, un brahmsien éminent. On ne trouvera nulle part ailleurs un jeu aussi noble. Les timbres (les graves!), le toucher, le rubato, tout est admirable. L'orchestre, très (trop ?) bien tenu laisse entendre des bois acides. Une douce lumière d'automne baigne cet enregistrement que l'on aimerait parfois un peu plus tonique (4ème mouvement). Ecouter Disque 2 plages 1 à 4

Nelson Freire, Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, Riccardo Chailly (2008)  êê ²²²²
Le pianiste et le chef d'orchestre sont sur la même longueur d'onde : rendre le Concerto parfaitement intelligible. De fait, on entend tout, malgré des tempi plutôt lestes. La conduite de la phrase musicale, le dosage des couleurs et des agrégats sonores, tout fonctionne à merveille. Mais où sont passées la grandeur tragique du second mouvement, la fragilité du rêve dans le troisième (ce violoncelle trop en avant), l'ivresse de la valse dans le final ? Ecouter plages 4 à 7

Sviatoslav Richter, Chicago Symphony Orchestra, Erich Leinsdorf (1960)  ê ²²
Quand un très grand pianiste russe rencontre un bon chef d'orchestre américain, que se racontent-ils ? Pas grand-chose à en juger cet enregistrement. Richter frappe fort un piano qui  confine à la laideur Leinsdorf fait entendre son orchestre. La  vigueur et l’efficacité de cette prestation ne compensent pas sa froideur.

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