lundi 18 juin 2012

Schelomo de Bloch

Qui connait Ernest Bloch en France aujourd’hui ? Chef d’orchestre, violoniste, auteur de très belles pages pour le violoncelle, seul ou accompagné.

Musicien suisse, Ernest Bloch (1880 - 1959) songe d’abord à être violoniste. Il étudie finalement la composition et se fait connaitre en 1902 avec une première symphonie, de vastes proportions, qui inaugure un style post romantique. Vient ensuite le « Cycle Juif » de 1912 à 1916 qui intègre Schelomo. En 1916, il  part vivre aux Etats-Unis. Sa musique s’ouvre à la modernité mais reste inspirée par la tradition musicale juive. Naturalisé américain en 1924, Bloch est surtout connu aux Etats-Unis.

En 1915, Bloch envisage d’écrire une œuvre pour voix soliste et orchestre inspirée du Roi Salomon, auteur supposé du Livre de l’Ecclésiaste, la bible hébraïque. Mais il hésite quant à la langue à utiliser. La rencontre avec le violoncelliste Alexandre Barjansky est déterminante. Bloch choisit de remplacer la voix par le violoncelle, « plus vaste et plus profond que n’importe quelle langue vivante ». Composée en 1916 en Suisse, Schelomo, Rhapsodie pour violoncelle et orchestre, est créée à New York le 3 mai 1917. C’est l’œuvre la plus célèbre de son auteur, la seule à s’être vraiment imposée au répertoire en Europe. D’un lyrisme intense, ce poème symphonique romantique mâtiné d’orientalisme se compose d’un seul mouvement et de trois sections.


Pierre Fournier, Orchestre philarmonique de Berlin, Alfred Wallenstein (1966) êêêê    ²²²
Pierre Fournier fut un immense artiste, peut-être le plus grand violoncelliste français du 20ème Siècle. Colette a dit de lui « Il chante mieux que tout ce qui chante ». Illustration avec ce Schelomo de légende. Aucun autre avant lui, ni après lui n’a investi cette partition avec autant de noblesse et de puissance. Mais pas n’importe quelle puissance. Cette assise dans le grave, cette pureté des lignes, cette vocalité sans limite, cette foi qui illumine le texte en lui laissant sa part d’ombre…Cela s’appelle l’Amour. L’émotion nous étreint et ne nous lâche plus. Claire et ciselée, la direction souligne les contrastes mais évite tout débordement. Le climax au centre de l’œuvre n’a jamais été aussi musical. L’élégie funèbre finale est unique. Un rêve. Ecouter plage 8

Misha Maisky, Israel Philarmonic Orchestra, Leonard Bernstein (1988)  êêê ²²
Maisky est un peu l’Horowitz du violoncelle. Des moyens techniques considérables, un style
chargé, une générosité débordante. On ne risque pas de le perdre en route ! La caravane prend son temps. Le terrain est d’autant plus glissant que Bernstein ne lésine pas sur les cordes et tient les cuivres en arrière. Beaucoup d’air circule dans cet orchestre qui n’a pas la classe du précédent. On chemine entre déploration et musique de film. Mais les interprètes ne se font pas du cinéma. Ils aiment Schelomo et sauvent l’œuvre du mélo. Ouf ! Ecouter Disque 1 plage 4

Mstislav Rostropovitch, Orchestre national de France, Leonard Bernstein (1976)  êêê ²²
Le début fait sourire. Rostropovitch minaude. Les contrebasses claquent. L’ambiance est bizarre. Se met en place un grand poème nocturne aux sonorités acidulées (les bois, les cuivres). Le violoncelle murmure, raconte. La reprise du thème principal par l’orchestre tout entier irradie comme un immense vague de plaisir. Les cuivres résonnent enfin de toute leur puissance. La prise de son approximative fait partie du charme. Ecouter

André Navarra, Czech Philarmonic Orchestra, Karel Ancerl (1964)  êêê ²²²
Après Bernstein et ses stars du cello, retour à une certaine orthodoxie. Le chef tchèque tient ses troupes d’une main de fer. Schelomo n’est plus une rhapsodie mais un concerto au cordeau dans lequel le violoncelliste est prié de rester à sa place. Mais Navarra est un grand. Il trouve toujours le ton, le son qu’il faut. Ancerl, lui, est un génie : précision de la direction, mise en valeur de tous les registres. Le travail sur les timbres est extraordinaire. Cela ressemble parfois à du Janacek. C’est bien le seul écart de cette version diamantine. Ecouter piste 5

Zara Nelsova, Utah Symphony Orchestra, Maurice Abravanel (1967)  êê ²²
Le chef américain ne lésine pas sur les moyens pour attirer l’attention sur la performance de son orchestre. Tout est large et massif, encore moins distingué que Bernstein avec le Philarmonique d’Israël. Question sûreté du style, on mesure le monde qui sépare un bon orchestre américain d’une phalange européenne de niveau comparable (les fluctuations de tempo !) Amusant et sympathique, sauf pour la violoncelliste. Perdue aux fins fonds du Grand Ouest masculin, elle ne décolle vraiment que dans les épisodes solo ou très peu accompagnés.


La version de référence


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