lundi 18 juin 2012

Le Requiem de Duruflé

Maurice Duruflé (1902 -1986) écrit son Requiem en 1947, à la demande de l’éditeur Auguste Durand. Il est alors surtout connu comme organiste, dans une moindre mesure comme compositeur de musique pour orgue.
L’œuvre est donnée en création française le 2 novembre 1947 par Roger Desormière, l’Orchestre National de France, Hélène Bouvier et Camille Maurane. C’est une révélation pour le public français. Mais la renommée  franchit rapidement les frontières, au point d’éclipser, encore aujourd’hui, dix autres compositions de haute tenue.

Ce Requiem, « entièrement composé sur les thèmes grégoriens de la Messe des morts » selon Duruflé lui-même, est en neuf mouvements. Le 3ème et le 8ème font intervenir un baryton, le 5ème (Pie Jesu) une soprano et un violoncelle solo. Il existe trois éditions : la première pour solistes, chœur, grand orchestre et orgue, la seconde avec accompagnement d’orgue (1948), la dernière avec orgue et orchestre de chambre (1961).


Versions avec grand orchestre

Hélène Bouvier (mezzo-soprano), Xavier Depraz (basse), Marie-Madeleine Duruflé-Chevalier (orgue), chorales Philippe Caillard et Stéphane Caillat, Orchestre de l’association des Concerts Lamoureux, Maurice Duruflé (1959)  êê ²
A tout seigneur, tout honneur, le compositeur en son œuvre. Disons-le d’emblée, c’est un émouvant témoignage, pas une référence. Louons la simplicité d’expression de la mezzo Hélène Bouvier, présente lors de la création. Passons sur le manque de fermeté des chœurs, l’ambiance chorale surannée mais pas désagréable, genre souvenir d’enfance : messe en province avec ma grand-mère, mes vieilles tantes et mes cousines. Le vibrato du baryton est plus gênant. Mais c’est surtout l’opacité de la prise de son, la compression des dynamiques qui plombent ce qu’il faut bien appeler un document.Ecouter plages 1 à 9

Anne Sophie von Otter (mezzo-soprano), Thomas Hampson (baryton), Marie-Claire Alain (orgue), Orfeon Donostaria, José Antonio Sainz, Orchestre du Capitole de Toulouse, Michel Plasson (1999) êê ²²
Les moyens sont impressionnants : l’un des meilleurs orchestres français et son chef attitré, explorateur et ambassadeur de la musique française, un beau chœur, une des plus grandes organistes de notre temps, deux solistes prestigieux. La réalisation est grandiose, marquée par de belles gradations sonores (Libera me), de superbes interventions des cuivres, des bois et de la soprano. Mais le baryton est sur un registre opératique qui n’a pas lieu d’être ici. Le chœur, l’orgue et les cordes se perdent un peu dans une acoustique de cathédrale. Dommage. Ecouter plages 1 à 12


Versions avec orchestre de chambre

Béatrice Uria-Monzon (mezzo-soprano), Didier Henry (baryton), Eric Lebrun (orgue), Ensemble vocal Michel Piquemal, Orchestre de la Cité, Michel Piquemal (1994)  êêê ²²²
Enfin une version claire, architecturée, bien enregistrée dans un espace approprié. Le chef insuffle énergie et ferveur à tous les étages. Même l’orgue, si décevant ailleurs, impose une belle présence. Les sections purement chorales chœur atteignent une rare plénitude, jusqu’à un certain dramatisme (Domine Jesu Christe). Les deux solistes ne sont pas des hautes pointures de l’art lyrique. Mais ils restituent la grandeur tragique du texte avec simplicité. L’orchestre met en relief et habille ce florilège de voix et d’orgue d’un somptueux écrin (superbe élévation mystique de l’Agnus Dei). Une certaine épaisseur sonore, loin d’alourdir l’ensemble, ancre ce Requiem dans une dimension charnelle très en situation. Ecouter plages 1 à 9

Ann Murray (mezzo-soprano), Thomas Allen (baryton), Thomas Trotter (orgue), Corydon Singers, English Chamber Orchestra, Matthew Best (1985) êê ²²²²
La mise en place, impeccable, confine à la transparence. Le chœur est d’une beauté irréelle, avec des voix un peu trop lointaines. Ann Murray est en état de grâce. Thomas Allen chante correctement,  d’une voix morne. Il y a un bel orgue, un beau violoncelle, mais il faut tendre l’oreille pour savourer. L’émotion affleure, au détour d’une ligne de chant, de la grande montée du Libera me. Belle lecture, un peu lisse tout de même. Idéal pour se vider la tête. Ecouter plages 1 à 9


Versions avec accompagnement d’orgue

Janet Baker (mezzo-soprano), Stephen Roberts (baryton), John Butt (orgue), Choir of King’s College Cambridge, Sir Philip Ledger (1980)  êêêê ²²²
Soudain la lumière ! Nous découvrons que le Requiem de Duruflé est écrit pour des chanteurs. Cela tombe bien. En cette année 1980, le King’s College est tout simplement le plus beau cœur au monde. Clarté (on entend les sifflantes !), chaleur expressive, étagement dans l’espace, un rêve! Le Sanctus, débarrassé de tout angélisme, est habité. Le baryton et la soprano ne chantent pas le Requiem, ils le vivent. Le Pie Jesu est beau à en tomber. Le Libera me, vraiment libéré, exulte. Enfin une version qui dit la peur de l’Après mais aussi la joie ! La nôtre est sans borne devant ce miracle. Ecouter plages 9 à 17

Christianne stotijn (mezzo-soprano), Mattijs van de Woerd (baryton), Erwin Wiersinga (orgue), Vocal ensemble The Gents, Peter Dijkstra (2004)  êêê ²²²
Duruflé était un grand organiste. Cet enregistrement vient nous le rappeler. L’orgue est ici la matrice, le soubassement de l’édifice. D’où une acoustique sombre, patinée, très agréable. Cœurs et solistes nous mènent sans encombre sur les cimes, malgré quelques lenteurs. Le Pie Jesu nous donne à entendre le plus beau violoncelle de la discographie. Un Requiem à hauteur d’homme/de femme.


La version de référence



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